Le débat « officiel » sur CIGEO est l’occasion de s’interroger sur l’ensemble des filières de gestion adaptées aux différentes catégories de déchets. Et de ce point de vue, la question se pose aussi concernant les déchets du futur, ceux qui ne sont pas produits dans la période actuelle mais le seront bien plus tard, dans 10 ans, 20 ans ou plus. Il s’agit bien sûr des déchets provenant du démantèlement des installations nucléaires. A l’opposé de ce que l’on entend dire parfois, le traitement et le stockage de ces déchets du futur est dès à présent prévu et préparé.
La faible radioactivité de ces déchets
Parallèlement à sa réflexion sur le projet CIGEO le Haut Comité pour la Transparence et l’Information sur la Sécurité Nucléaire (HCTISN) a évoqué cette question lors de sa réunion du 3 octobre 2013. Contrairement aux déchets qui seront stockés à CIGEO à partir de 2025, la grande majorité des déchets de démantèlement sont de faible ou de très faible activité. Ce sont essentiellement des pièces métalliques, des gravats, des bétons dont le niveau de radioactivité est en général inférieur à 100 becquerels/gramme et qui contiennent des radionucléides la plupart du temps à vie courte, plus rarement à vie longue.
Si ces déchets, du fait de leur faible niveau de radioactivité n’ont pas d’impact significatif sur l’environnement ou la santé des populations, ils sont en revanche relativement volumineux et nécessitent plusieurs dizaines d’hectares pour leur stockage. C’est dans cette perspective qu’a été créé le Cires (Centre industriel de regroupement, d’entreposage et de stockage), sur la commune de Morvilliers, dans l’Aube. S’étendant sur 45 hectares, ce centre, entré en service en 2003, est d’une capacité de 650 000 m3. Il accueille non seulement la plupart des déchets de démantèlement (en provenance des centrales de 1ère génération déjà partiellement démantelées) mais également des déchets eux aussi de Très Faible Activité (TFA) issus du secteur médical, de laboratoires de recherche et d’industries non nucléaires. Au début 2013, quelque 230 000 m3 de déchets étaient déjà stockés au Cires.
Pour stocker tous les déchets de démantèlement issus du parc nucléaire actuellement en service et des usines du cycle du combustible, les capacités actuelles du Cires seront insuffisantes. On estime en effet à plus de 1 million de m3 le volume total des déchets TFA à stocker à partir des années 2030. Et ce chiffre sera encore nettement supérieur vers les années 2050. Il faudra donc, à terme, envisager une extension des capacités de stockage soit sur le site même du Cires, soit sur un autre site dédié. Mais ce projet n’a pas de caractère d’urgence.
Le recyclage dans l’industrie nucléaire
A partir des constats qui précèdent, plusieurs commentaires peuvent être proposés concernant la gestion des déchets de démantèlement.
Un des maîtres-mots qui caractérise cette gestion est : l’anticipation. Les installations sont prêtes pour faire face aux besoins et les décisions se prennent très en amont du moment où les solutions concrètes doivent être disponibles.
Si le volume de ces déchets est conséquent, il reste cependant infiniment inférieur au volume des déchets toxiques, notamment chimiques, produits par les activités industrielles. Le volume de ces déchets toxiques est en France de l’ordre de 7 millions de m3 en un an alors que celui du total des déchets radioactifs devrait se situer entre 2,5 et 3 millions de m3 en 80 ans de programme nucléaire !
Par une démarche infiniment prudente – et que certains considèrent comme une précaution inutile –la France classe comme déchets tous les éléments provenant de zones « nucléaires », même si la radioactivité de ces éléments est infime et se confond avec celle du milieu ambiant. Contrairement à ce qui se passe dans les autres pays nucléaires qui recyclent ces éléments (essentiellement des structures et pièces métalliques) dans tous les secteurs de l’industrie, la France les range dans la catégorie des « déchets nucléaires » et les gère comme tels. Cette démarche concourt bien entendu à maintenir à un niveau maximum le volume des déchets à stocker.
On envisage cependant de développer le recyclage de ces déchets à l’intérieur même de l’industrie nucléaire en utilisant les ferrailles, bétons et autres matériaux dans la fabrication ou le renforcement de certains équipements, comme par exemple des conteneurs de stockage. Cette valorisation aurait le double avantage de réduire les espaces consacrés au stockage et d’améliorer le bilan économique de la gestion de ces déchets.