En s’appuyant sur la technologie des sous-marins nucléaires, leur constructeur DCNS, associé à Areva, EDF et au CEA, a pour objectif de construire un premier prototype en 2013.
Jules Verne aurait pu l’imaginer. Installer au fond des océans des centrales nucléaires afin d’alimenter en électricité les villes côtières. Des centrales qui ressemblent physiquement à des sous-marins. C’est l’idée qui a germé dans l’esprit des ingénieurs de DCNS, leader européen du naval militaire, constructeur de frégates, porte-avions et sous-marins pour la Marine française. «Nous avons mené des études de faisabilité pendant deux ans et demi. Avec nos partenaires, Areva, EDF ainsi que le CEA, nous passons à la phase 2 de validation du concept baptisé FLEX BLUE, afin d’être prêts à lancer la construction d’une première centrale – un démonstrateur – début 2013 dans la perspective d’une mise en service aux alentours de 2016-2017», explique Patrick Boissier, président de DCNS, chef de file de ce projet. EDF pourrait être le premier client de cette nouvelle centrale. Une équipe mixte de 150 ingénieurs travaillera sur cette seconde phase du projet, chaque partenaire apportant ses compétences propres.
Dans le détail, ces centrales se présentent sous la forme d’un cylindre de 12 à 15 mètres de diamètre doté d’une chaudière nucléaire de 50 à 250 Méga Watt de puissance ainsi que d’une centrale électrique. Elles seront immergées par 60 à 100 mètres de profondeur à quelques kilomètres des côtes, téléopérées depuis la terre et reliées au rivage par des câbles sous-marins. Elles seront capables d’alimenter des zones de 100 000 à 1 million d’habitants. Construites à Cherbourg, elles seront transportées sur site à bord de bateaux spéciaux. «La centrale FLEX BLUE est le résultat de technologies éprouvées notamment dans la conception de 18 sous-marins et porte-avions à propulsion nucléaire dans nos chantiers», souligne Patrick Boissier. Il précise que la flotte mondiale de sous-marins nucléaires en activité atteint 150 bâtiments.
Destinée à venir compléter le catalogue nucléaire français et par la même «à conforter son leadership mondial», la centrale de faible et moyenne puissance FLEX BLUE marquerait l’émergence d’une offre low cost dans le nucléaire civil mondial. «L’investissement – quelques centaines de millions d’euros – est progressif. Il n’est pas nécessaire d’investir d’un coup dans des capacités non utilisées. Il n’y a pas de travaux de génie civil. On construit donc moins cher et plus vite, en deux ans en moyenne. Il n’y a pas besoin de lignes à haute tension pour transporter l’électricité. Le prix du kilowatt/heure devrait être compétitif selon nos premières études. La centrale est plus facile à démanteler, ce qui contribue à sa compétitivité», développe le président de DCNS.
Selon une étude qui reste à affiner, le marché potentiel serait de 200 centrales sous-marines de moins de 300 MW dans les vingt ans à venir. Selon l’Agence internationale de l’énergie, 68 pays ont déclaré s’intéresser à l’énergie nucléaire. La centrale sous-marine française s’adresserait plus particulièrement aux pays primo-accédants et émergents.
Aux yeux des spécialistes de l’énergie, ce projet reste toutefois «très largement prospectif». D’autant qu’au-delà du défi technologique et de la validation du business model, la question de la sécurité et de l’impact d’une telle centrale sur l’environnement est posée. Les autorités de sûreté devront en particulier certifier ce nouveau réacteur. Pour le moment, elles sont habituées à travailler sur des centrales terrestres.
«FLEX BLUE répondra aux normes de sûreté des centrales de 3ème génération (EPR). Le cœur du réacteur sera confiné afin d’isoler le combustible de l’eau. L’eau est en outre une source de refroidissement naturelle et infinie. Une centrale sous-marine est à l’abri des agressions et catastrophes naturelles tels que la foudre, les chutes d’avions ou de météorites, les séismes ou les tsunamis», affirme Patrick Boissier. Les centrales seront équipées d’une sorte de «cote de maille» de protection «équivalente à celle utilisée par les sous-marins lorsqu’ils sont à l’arrêt». DCNS minimise l’impact des rejets dans l’eau de mer de la centrale en assurant que la quantité d’eau plus chaude rejetée est faible et diluée «rapidement». Autant d’atouts, selon le constructeur français, face au projet russe de centrales nucléaires flottantes.
Face au risque majeur de la fusion du réacteur ou de fuites dans ce milieu fragile qu’est l’océan, DCNS assure qu’il «suffit de noyer le réacteur». «L’eau est une barrière naturelle aux radiations; DCNS stocke d’ailleurs le cœur de ses réacteurs nucléaires dans des piscines», ajoute Patrick Boissier. Il est à parier que tous les experts n’auront pas le même avis sur l’impact d’une catastrophe nucléaire sous-marine.
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Le projet de centrale nucléaire sous-marine fait bondir les anti-nucléaires
CAEN – Le projet de mini centrales nucléaires sous-marines présenté par le groupe français de construction navale DCNS a fait bondir jeudi l’ancien eurodéputé Verts Didier Anger.
« On est en plein délire. En cas d’accident, il n’y a pas pire que l’eau, où la pollution radioactive comme chimique se disperse » plus vite que dans l’air, a déclaré M. Anger à l’AFP.
« Toute la Manche et d’autres mers éventuelles seraient détruites ou contaminées, selon l’importance du sinistre et la dispersion par les courants », affirme dans un communiqué le président du Crilan (comité de réflexion, d’information et de lutte antinucléaire), basé près de Cherbourg, où la DCNS construirait ces réacteurs.
« Qui plus est, dans un tel cas, le réchauffement brutal des eaux provoquerait un formidable choc thermique destructeur de vie, une évaporation et une dispersion d’un nuage d’aérosols toxiques tributaire des vents », ajoute-t-il.
Le patron des anciens arsenaux d’Etat, Patrick Boissier, assure au contraire que ce réacteur bénéficierait de la « protection de la mer » car « l’eau est la meilleure barrière contre les radiations » et que c’est d’ailleurs pour cela que les combustibles irradiés des centrales sont stockés en piscines.
Mais, pour M. Anger, « quand tout va bien, l’eau peut protéger si la matière nucléaire est dans un bon conteneur. Mais en cas d’accident c’est tout le contraire ».
« C’est d’ailleurs pour cela que la Grande-Bretagne avait déclenché un tollé à la fin des années 80 en proposant de stocker les déchets nucléaires en mer. Et lors de l’accident de Tchernobyl, une des premières mesures a été d’éviter que le réacteur s’enfonce et ne touche la nappe phréatique », ajoute le militant.
DCNS a présenté jeudi dans la presse Flexblue, un mini réacteur de la forme d’un sous-marin posé au fond de l’océan, de 100 mètres de long et 15 de large de petite puissance (50 à 250 MW).
Il y a encore quelques mois, l’industrie nucléaire française plaçait tous ses espoirs commerciaux dans le réacteur nucléaire de 3e génération EPR. Mais cette grosse machine, d’une puissance de 1.650 mégawatts (MW) ne convient pas à tous les pays, notamment ceux dont les réseaux électriques sont peu développés.
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