Des murs aux couleurs chaudes, des tableaux joyeux. Le tout nouveau centre de protonthérapie de l’Institut Curie, à Orsay (Essonne), est bien loin de l’univers aseptisé de l’hôpital. Pourtant, ici, cinquante spécialistes œuvrent pour faire tourner une impressionnante machine à traiter le cancer : oncologues, infirmiers, anesthésistes, radiophysiciens, dosimétristes, voisinent avec des techniciens de la physique nucléaire, mécaniciens du vide, spécialistes du refroidissement du cyclotron… Avec son nouvel équipement, l’Institut Curie est le fleuron de la « protonthérapie » en France. Un formidable espoir pour les enfants – premiers bénéficiaires de cette nouvelle technique.
Une radiothérapie puissante et ultra-précise
Cette forme d’irradiation utilise des rayons différents, les protons, capables de traverser la matière pour déposer toute leur énergie à une profondeur donnée, puis de s’arrêter net sans se propager. La radiothérapie classique utilisent les photons qui tendent, eux, à se disperser sur leurs parcours, et davantage encore autour de la zone ciblée.
« La protonthérapie permet de délivrer une forte dose d’irradiation sur la tumeur, en épargnant les tissus autour », résume le Dr Rémi Dendale, chef de service du centre de protonthérapie. Cette force de frappe précise est idéale pour traiter à proximité d’organes sensibles, comme certaines tumeurs de la base du crâne et le mélanome de l’œil, un cancer redoutable qui résiste aux rayons de la radiothérapie classique.
De nouvelles indications grâce à un équipement dernier cri
Dans le grand couloir coloré, un panneau indique le « bras isocentrique ». Couplé au nouvel accélérateur de protons, c’est lui qui va permettre le véritable bond en avant dans le traitement. Derrière les murs se cache une énorme structure de 10 mètres de diamètre et 100 tonnes. Cet équipement imposant autorise désormais un travail d’orfèvre : grâce au bras isocentrique et à la table articulée dans les trois directions de l’espace, la source de rayons tourne autour du patient à 360° et atteint de nouvelles localisations. Avec un faisceau fixe et horizontal, certaines tumeurs demeuraient impossibles à traiter jusqu’ici.
Les cancers pédiatriques arrivent en tête de liste. Accueillir davantage d’enfants est une priorité du centre, affirmée dès 2006 avec l’arrivée d’une équipe d’anesthésistes qui a permis de traiter des enfants de moins de 4 ans sous anesthésie générale. Technique de haute précision mettant en jeu des doses importantes de rayons, la protonthérapie nécessite en effet une immobilité totale du patient.
Plus besoin d’aller aux Etats-Unis
Pour les familles, c’est une révolution. Des dizaines d’entre elles n’avaient parfois d’autres solutions que de traverser l’Atlantique pour bénéficier de la protonthérapie. C’est le cas de la petite Céline, atteinte d’une tumeur au cerveau à 3 ans, dont les parents ont dû collecter l’argent nécessaire au voyage et au traitement en créant l’association Céline à Boston. Grâce au nouveau centre d’Orsay, les petits patients pourront désormais bénéficier de cette technologie de pointe en France.
Magali, 9 ans, a reçu la première séance
Pour la jeune Magali, 9 ans, l’espoir renaît. En février 2008 un cancer de l’œil a été diagnostiqué, et la fillette a subi une première chimiothérapie. Mais en juin dernier, la maladie a récidivé. Magali a reçu sa première séance de protonthérapie le 23 novembre dernier, au nouveau centre d’Orsay. Sa maman, Fabienne, se réjouit : « Les médecins sont assez optimistes, la protonthérapie améliore le pronostic, elle permet de brûler la tumeur à la souche. C’est un moyen supplémentaire pour se battre contre la maladie. Ce sont les dernières technologies, c’est une chance inouïe de pouvoir en bénéficier en France. Les locaux sont vraiment agréables, on n’a pas l’impression d’être à l’hôpital, c’est important pour un enfant. »
L’équipe médicale a d’ores et déjà gagné un pari, celui de l’humain. Il suffit de feuilleter les pages du livre d’or posé dans la salle d’attente : « Le centre est une preuve que l’humain peut côtoyer la technique », a écrit un patient.
Source